Après l’essor du télétravail provoqué et imposé par la pandémie de COVID-19, qu’en est-il cinq ans après ? Entre travail à domicile et mode hybride, les données les plus récentes de l’Institut de la statistique du Québec dressent un portrait actualisé de la situation.
Si aujourd’hui, la plupart des offres d’emploi dont le travail est compatible proposent des formules hybrides voire 100 % en télétravail, cela n’a pas toujours été le cas. Ce qui semble désormais comme acquis n’existait qu’à la marge avant la pandémie. En effet, jusqu’en février 2020, comme l’indique une étude de Statistique Canada diffusée en juillet 2023, moins de 7 % de la main-d’œuvre québécoise effectuait la majorité de ses heures de travail à domicile. En avril 2020, ce taux bondissait brusquement à 40 %.
Une flexibilité devenue culturelle
Si la fin des mesures sanitaires a entraîné un retour partiel au bureau, le télétravail est resté largement plus fréquent qu’avant la crise. Il est même presque devenu, comme l’expliquent aujourd’hui certains spécialistes de l’emploi de la région : « culturel ».
En 2022, environ 35 % des travailleurs québécois, qu’ils soient salariés ou autonomes, ont effectué du télétravail, majoritairement en mode hybride. Preuve que malgré la fin de la crise, ce mode de travail était si ancré dans la société qu’il ne pouvait revenir au niveau d’avant pandémie. D’ailleurs, le mode hybride, qui combine présence au bureau et travail à distance, concernait 21 % des personnes interrogées, tandis que 14 % travaillaient exclusivement de chez eux.
De vraies disparités selon les personnes et le type d’entreprises…
Toujours selon cette étude, il est à noter que le télétravail est plus fréquent chez les femmes (39 %) que chez les hommes (31 %). Autre catégorie plus concernée : les 25 à 54 ans et tout particulièrement les parents.
Dans les chiffres rapportés par l’institut, le niveau de scolarité semble aussi jouer un rôle déterminant : 58 % des diplômés universitaires ont télétravaillé en 2022, contre 20 % pour les détenteurs d’un diplôme secondaire et 8 % pour ceux sans diplôme. Les professions de gestion et les emplois de spécialiste (avocats, ingénieurs, comptables…) affichaient quant à eux les taux les plus élevés, avec respectivement 50 % et 60 % de télétravail.
Encore plus impressionnant, les industries telles que la finance, les assurances, l’immobilier et celles des services professionnels, scientifiques et techniques et des administrations publiques enregistraient des taux de télétravail dépassant 65 %. À l’opposé, et en toute logique, les secteurs nécessitant une présence physique, comme la construction, la fabrication ou les industries liées au tourisme, affichent des taux inférieurs à 20 %.
Enfin, la taille de l’entreprise joue aussi : plus de 50 % de télétravail dans les établissements de plus de 500 salariés, contre à peine 22 % dans ceux de moins de 20 personnes.
… mais aussi selon la région
Au moment de l’étude et du dernier recensement canadien, Montréal et l’Outaouais atteignaient environ 45 % de télétravail, suivis par la Capitale-Nationale (38 %) et Laval (35 %). Les régions « ressources » et manufacturières présentaient des taux plus faibles, comme la Côte-Nord et le Nord-du-Québec (15 %) ou Lanaudière (22,7 %). Les Laurentides se situaient dans la moyenne provinciale avec 34,2 %.
Une réelle préférence pour ce mode de travail
Du point de vue du ressenti des Québécois vis-à-vis du télétravail et du travail hybride, 84 % des personnes estimaient préférer leur emploi si celui-ci permettait cette flexibilité. Les politiques internes, les types de tâches ou encore le souhait de maintenir des relations professionnelles et personnelles entre les salariés limitant encore parfois la mise en œuvre du télétravail dans certaines entreprises.
Les données les plus récentes de 2024 montrent peu de variations avec environ 32 % de taux de télétravail (contre, pour rappel, 35 % en 2022). Certains groupes connaissent un recul, comme les femmes (de 39,4 % en 2022 à 36,4 %) ou les salariés syndiqués. Les emplois à faible revenu et les jeunes adultes affichent aussi une baisse significative, tandis que les travailleurs à hauts revenus maintiennent une forte utilisation du télétravail.
Télétravail : quels bénéfices ?
Au-delà des chiffres, c’est aussi vers les bénéfices qu’il faut se tourner pour évaluer l’impact du télétravail chez les travailleurs. Parmi les éléments cités dans l’étude : gain de temps grâce à l’absence de déplacements, économies financières, meilleure conciliation travail-vie personnelle, moins de stress et, pour les entreprises et organisations : baisse des coûts liés à l’immobilier et de l’absentéisme.
Mais les effets négatifs existent aussi : isolement, sédentarité, charge de travail parfois plus importante, frontières parfois floues entre vie professionnelle et privée, perte de cohésion d’équipe…
Le télétravail s’est malgré tout imposé sur le marché du travail québécois et les données de 2024 montrent que si les entreprises et les travailleurs y voient un intérêt, la généralisation reste freinée par certaines contraintes. Seules les années à venir diront si ces obstacles finiront par se lever ou si l’hybride demeurera la norme.
Les Laurentides dans la moyenne provinciale du taux de télétravail
Avec 34,2 % de travailleurs en télétravail en 2022, les Laurentides se situent au niveau moyen du Québec. Un taux qui représente un peu plus d’un tiers de la main-d’œuvre des Laurentides, dont 12,9 % exclusivement à domicile et 21,3 % en mode hybride.
Le potentiel de télétravail y est aussi estimé à 40 %, ce qui laisse entrevoir une marge d’augmentation possible dans la région.
Les services professionnels, l’administration publique et certains métiers liés aux technologies soutiennent ce taux, tandis que les professions non manuelles et les postes exigeant un diplôme universitaire y sont surreprésentés parmi les télétravailleurs.
À l’inverse, la présence d’industries manufacturières, de commerce, d’emplois manuels et d’emplois liés au tourisme ou encore à l’industrie forestière limite l’essor du télétravail. Les petites entreprises, nombreuses dans la région, affichent aussi des taux inférieurs à la moyenne.
Comme ailleurs au Québec, l’intérêt des travailleurs pour le télétravail dans les Laurentides dépasse la pratique réelle, avec des écarts plus notables dans les petites structures et pour les salariés ayant des revenus moyens, souvent contraints par les problèmes opérationnels et organisationnels de leur entreprise.
La marge entre potentiel et réalité pourrait se réduire si les entreprises de la région avaient la possibilité et les moyens d’élargir leurs politiques de télétravail, notamment dans les secteurs de services.
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